Parler « mal » pour parler mieux

Une professeure explique les usages du juron « câlice ».

« On répète après moi, s’il vous plait : "Untel, c’t’un câlice !" » (Télé-Québec / Youtube)

Après huit ans de cours de français à Toronto, j’ai fini par pouvoir comprendre rien pantoute quand je me suis installé à Montréal.

Pourquoi les anglo-canadiens1Je parle des élèves inscrits dans un programme de base de français, programme obligatoire pour tous, contrairement aux programmes d’immersion en français ou des écoles de langue française. ont-ils autant du mal à comprendre le français d’icitte ? Comment est-ce qu’une connaissance d’un parler plus populaire aidera nos élèves à forger une sécurité linguistique ?

« Les Franco-Canadiens ont-ils si honte de leur langue, qu’ils nous cachent leur accent ? » me suis-je demandé à l’âge de 11 ans.

Je trouvais bizarre le fait qu’on enseignait presque exclusivement un français international à l’école.

Notre manuel scolaire, publié au Canada, comportait des textes assez franco-canadiens, dont la légende de la chasse-galerie. Dans les exercices audio, on entendait cependant les voix des comédiens québécois… dépouillées de toute indication de leur origine.

« Tu veux que tes immigrants soient des académiciens, ou des Québécois ? »

Cet extrait de Pure laine (2006) aborde l’insécurité linguistique québécoise.2J’ai découvert ce clip grâce à Kevin Félix Polesello, auteur d’OffQc.com. Au moment de l’écriture de cet article, son blogue semble avoir été verrouillé. Aucune capture du site web n’existe dans le Wayback Machine. Suzanne Johnson, professeure de français, se lamente de la piètre qualité du français québécois. Elle fait tout pour éviter que ses étudiants immigrants parlent ainsi, leur proposant des termes comme se sustenter au lieu de manger.

Suzanne finit par comprendre l’utilité d’un langage « honteux » pour l’intégration sociale des nouveaux arrivants… tout en dépassant peut-être les bornes avec son zèle.

Extrait de Pure laine (2006).

Au-delà du manuel scolaire

J’ai abordé, dans un billet précédent, l’insécurité linguistique éprouvée par les anglophones qui s’installent en contexte majoritairement francophone.

Armer nos élèves d’une connaissance du « vrai » français — le vernaculaire parlé tous les jours — leur permettra de forger une meilleure sécurité linguistique. Ils seront enclins à explorer les médias francophones de manière autonome, ce qui consolidera leurs compétences langagières.

Le but des cours de français n’est certes pas de pousser les Anglo-Canadiens à s’installer au Québec, bien sûr. (Je ne propose pas non plus de sacrer devant la classe.)

La francophonie est vaste, avec une multitude de façons de parler. Parmi mes souvenirs de mes cours de français, ce sont les professeurs qui partageaient leurs expériences authentiques avec la langue française qui m’ont marqué le plus.

Je pense au Parisien qui regrettait que les jeunes Français n’employassent « plus du tout » le subjonctif. Je pense à la Roumaine qui expliquait qu’au Canada, une blonde (une copine) pouvait avoir des cheveux bruns, et qu’en France, on pourrait se faire ignorer en tutoyant les caissiers.

Lorsqu’on partage nos anecdotes, nos histoires personnelles, on va au-delà du manuel scolaire. On devient, aux yeux de nos élèves, de vrais humains dotés d’une curiosité naturelle et un appétit pour comprendre la diversité humaine.

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