Découvrez le parler québécois à l’aide de ce guide ! Voici trois phénomènes du français oral.
Notons d’abord qu’il existe plus qu’un seul « accent québécois » : les accents varient d’une ville à l’autre et d’une génération à l’autre. J’emploie ce terme pour désigner aussi le français parlé en Ontario et l’Ouest canadien.
Dans l’ensemble, les différentes variétés du parler canadien partagent certaines caractéristiques.
1. L’affrication des consonnes t et d
Les syllabes ti et tu sont prononcés tsi et tsu (ou [tsi, tsy] en alphabet phonétique international, API).
De même, di et du deviennent dzi et dzu [dzi, dzy]. Ce phénomène porte le nom d’affrication.
Mot | Prononciation |
artiste | artsiste [ar.tsɪst] |
tuyeau | tsuyeau [tsɥi.jo] |
dire | dzir [dzɪʀ] |
dur | dzur [dzʏʀ] |
L’affrication semble passer inaperçue des Québécois, selon mes observations. Elle se produit dans tout registre (« niveau stylistique »), sauf dans les chansons et les voix hors champ (voix off).
J’ai remarqué que les anglophones qui déménagent en milieu franco-canadien ne l’adoptent généralement pas.
2. La chute du e caduc dans je
Une de mes élèves m’a demandé ce que je voulais dire par « j’te souhaite une bonne journée ».
Le e caduc (aussi appelé « e muet ») peut disparaitre dans tous les dialectes du français, mais on tend à le garder dans un parler plus formel.
D’après mes observations, les apprenants ne remarquent pas la chute du e caduc dans le pronom je lorsqu’il est suivi d’un mot commençant par s, t, p, f ou k. En plus, mes professeurs de français langue seconde avaient tendance à garder le e caduc dans ce contexte.
Exemple | Prononciation |
je suis [ʒə sɥi] | j’suis (chui) [ʃɥi] |
je te vois [ʒə tə vwɑ] | j’te parle (ch-te parle) [ʃtə vwɑ] |
je peux [ʒə pø] | j’peux (ch-peux) [ʃpø] |
je fais [ʒə fɛ] | j’fais (ch-fais) [ʃfɛ] |
je crois [ʒə kʀwɑ] | j’crois (ch-crois) [ʃkʀwɑ] |
3. La rhotacisation
Parlons maintenant d’une propriété très saillante aux oreilles anglophones, celle de la rhotacisation. Ils tendent à remarquer et imiter ce phénomène, voire l’exagérer, tandis que les francophones l’ignorent complètement.1Lamontagne, J., & Mielke, J. (2013). Perception of Canadian French rhotic vowels. Proc. Mtg. Acoust., 83, 060250.
Selon le professeur Jeff Mielke du North Carolina State University, certains Franco-Canadiens prononcent les voyelles eu(x) (comme dans heureux), eur (docteur) et un avec une articulation similaire au r anglais.2Mielke, J. (2015). An ultrasound study of Canadian French rhotic vowels with polar smoothing spline comparisons). The Journal of the Acoustical Society of America, 137(5), 2858–2869.
Voyelle | Prononciation standard | Prononciation rhotacisée (transcrites en orthographe anglaise) |
eu(x) [ø], comme dans heureux | [øʀø] | err-rerr [ɚʀɚ] |
eur [œʀ], comme dans docteur | [dɔktœʀ] | doctar [dɔktaʀ] |
un [œ], comme dans commun | [kmœ̃] | comm-errn [kɔmɚ̃] |
Voici une Franco-Ontarienne et un Québécois ayant de la rhotacisation. Vous pouvez comparer leurs prononciations avec d’autres de la francophonie : un et bleu.
Curieusement, Mielke note que la rhotacisation chez les Franco-Canadiens semble indépendante du niveau de bilinguisme et d’interaction avec des anglophones.
En savoir plus
Voici ma référence préférée : Les prononciations du français Québécois : normes et usages (2008), par Luc Ostiguy et Claude Tousignant. Elle m’a bien servi tout au long de mon parcours en tant qu’apprenant de français.