Les sacres québécois : 3 aspects fascinants

Un bonhomme sourire en train de sacrer.

Illustration : Luke Zhou

Si la culture franco-canadienne reste méconnue des Anglo-Canadiens et du reste de la francophonie, ses sacres (jurons) ne le sont pas.

Dans cet article, je réfléchis sur trois aspects du langage tabou au Canada francophone. Comment les cultures anglophone et francophone diffèrent-elles à l’égard des grossièretés?

De Brazzaville à Toronto, en passant par le Mexique, on connait partout les gros mots issus de la tradition liturgique québécoise : tabarnak (dérivé de tabarnacle), esti (hostie), câlisse (calice)…1Pour une liste plus compréhensive de sacres et leur usage, voyez cet article d’Authentik Canada.

Les personnages de Bon Cop, Bad Cop (2006) nous présentent quelques sacres fort utiles.

1. Le folklore des sacres

Les sacres fascinent mes élèves torontois anglophones. J’en profite pour leur raconter un chapitre important de l’histoire franco-canadienne.

Toute culture a ses complexes. La culture franco-canadienne, comme plusieurs autres, a pour taboues la sexualité et les fonctions corporelles, mais aussi la religion.

L’Église catholique dominait presque tout aspect de la vie au Canada français. Dans les années 60, le Québec et d’autres communautés franco-canadiennes ont subi une période importante de modernisation.

La société s’est vite laïcisée. Les sacres permettaient de se rebeller contre l’influence historique de l’Église.

2. Manque de culture de censure

Dans la presse anglophone, on remplace les jurons des citations par une suite de symboles non prononçables. Fuck devient ainsi *$&# ou f***. Ces formes (mal) censurées portent le nom de grawlix.

En revanche, les sacres sont fréquents à la radio et à la télévision québécoises. On a compté environ 98 jurons par jour dans une étude menée en 2013.2Le rapport original ne semble être plus disponible. La firme Influence Communication a analysé une période allant du 1er septembre 2012 au 30 aout 2013. Maudit(e), tabarouette et merde étaient les plus populaires.

Un incident récent témoigne du fossé culturel entre les deux solitudes quant à la censure. En 2020, la professeure Verushka Lieutenant-Duval, francophone, a fait couler de l’encre. Elle a employé un certain « mot en n » lors d’un cours à l’Université d’Ottawa (donné en anglais) sur la récupération du terme raciste par les Noirs. Elle a été ensuite suspendue.

Tandis que l’incident a provoqué de vifs débats dans la presse francophone, l’avis des lecteurs anglophones sur les réseaux sociaux semblait plus homogène, soutenant la décision de l’Université.

3. Ah shit, j’ai sacré

À mes oreilles, les sacres religieux s’emploient peu fréquemment chez mes amis francophones à l’Université d’Ottawa, contrairement aux stéréotypes du parler franco-canadien.

Fuck et shit (issues de l’anglais), ainsi que merde et putain (issus du français international), semblent être les jurons qu’ils emploient. Je pense également à l’autobiographie Ah shit, j’ai pogné le cancer de Maude Schiltz.

Couverture de l’autobiographie Ah shit, j’ai pogné le cancer de Maude Schiltz.

Les sacres traditionnels seraient-ils moins communs chez les gens bilingues que pour les francophones monolingues ? L’âge et l’ethnicité (Blanc, Arabe né au Canada français, etc.) influent-ils sur le choix de jurons aussi ?

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